- Ils seront pendus comme les criminels qu’ils sont. Et s’ils ne veulent pas rendre les armes, ils périront par le fer.
- Vous leur laissez donc le choix de leur mort, ironisa le capitaine.
- Vous préféreriez que je les laisse continuer ? s’emporta le chevalier.
- Cessez de penser en guerrier, Chevalier, répondit le capitaine à l’explosion de Sigmund. Vous êtes un seigneur désormais, responsable de nombreuses vies.
- Je sais cela mais ces manants ont bafoué l’autorité du duc. Ils ont pillé, tué sans aucun doute, ils doivent connaitre un juste châtiment, rétorqua énervé le chevalier. Lorsqu’il était pris d’une telle colère, il marchait en long et en large, enfonçant rageusement les talons dans le sol pour évacuer cette énergie bouillonnante qui menaçait de le submerger. Maintenant il restait cloué sur son siège. Alors il serrait la garde de son épée à en faire craquer ses phalanges. Mais sa colère lui semblait vouloir sortir de sa tête par ses yeux, l’intérieur de sa tente prenant de dangereux reflets rouges. Il ferma avec force ses paupières, crispant sa mâchoire. Il s’obligea à respirer profondément afin d’apaiser la chaleur de son sang.
Debout face à lui, de l’autre côté du coffre sur lequel était étendu une carte de la région, le capitaine attendait que le chevalier retrouve la maîtrise de ses émotions. Bien qu’il avait de la sympathie pour cet homme droit et amoindrit, il ne comptait pas laisser mettre inutilement sa compagnie en danger. Voyant le chevalier reprendre le dessus, il reprit l’analyse de la situation :
- Nous avons affaire à deux groupes de brigands, chacun aussi nombreux que nous, ils ont avantage de connaître le terrain et de pouvoir bénéficier du soutien de la population locale. Vouloir affronter les deux groupes serait suicidaire. Dans le meilleur des cas, nous les affronterons l’un après l’autre. Nous pourrions venir à bout du premier, mais nous serions trop affaiblis contre le suivant. Et dans le pire des cas, ils font fi de leurs divergences et s’allient…
Le Capitaine finit sa phrase d’un geste de la main, celui de se trancher la gorge. Sigmund se renfrogna sur son siège. Du regard il fixait la carte, espérant qu’apparaisse sur celle-ci une solution miracle, peut être le mouvement d’une troupe ducale venant leur prêter main forte. Mais le seul mouvement sur le parchemin était celui du reflet rouge sang de la bougie au travers du verre de vin, et cette lueur assassine dansait sur leur position. Le chevalier leva enfin son regard sur le capitaine.
- Vous voulez que l’on s’associe à l’une de ces bandes de pillards, n’est-ce pas ? questionna contrarié le chevalier.
- Voyez-vous une autre solution ? Même l’attente joue en vôtre défaveur, au printemps la compagnie repartira vers le sud, vous laissant seul. Il faut donc que le problème soit réglé d’ici là.
Après un long silence, le chevalier lâcha :
- Qu’ils soient maudits !
Ne voyant rien d’autre à rajouter, le capitaine prit ses gants sur le coffre et se dirigea vers la sortie de la tente.
- Un instant capitaine, lança le chevalier. Si nous devons nous associer à ces racailles, autant choisir les moins pires. Je rencontrerai ce Rhodri. Dans le même temps envoyez un groupe en reconnaissance à Fort de Garde. Je veux savoir quel genre d’homme est Rainald.
- A vos ordres Chevalier !
Et le capitaine sortit de la tente. En s’éloignant il se mit à sourire et pensa que le chevalier n’était pas un imbécile et qu’avec un peu de temps il pourrait faire un seigneur compétent.
Sam 11 Oct - 18:14